lundi 25 mars 2013

Les huiles hydrauliques biodégradables « bio » vendues au Québec sont-elles vraiment BIO ?

Le mot « bio » est souvent utilisé à tort et à travers. Parfois pour faire la promotion d’un nouveau produit amélioré ou alors, simplement pour faire un bon coup de publicité. Trop souvent, on fait référence à la biodégradabilité. Mais qu’en est-il du côté « biologique » et environnemental du produit?

Biologique[1] ou biosourcé réfère à une matière provenant de la nature. Ce « bio » là ne se fabrique pas, il se trouve. Par contre, il est possible de l’utiliser afin de créer des produits écologiques.

Biodégradable[2], quant à lui, fait référence aux temps que met la matière ou le produit à se dégrader à la fin de sa vie. Les entreprises pétrolières vendent des produits à base d’huile minérale ou synthétique en prétendant qu’ils sont biodégradables. En réalité, ses huiles en sont à la fin de leur vie, elles ont pollué tout au long de leur cheminement depuis leur extraction ou synthèse jusqu’aux produits dits « bio ». La biodégradabilité, dite écologique, doit être de grade ultime, c’est-à-dire d’au moins 60 % en 28 jours. Elle est vérifiable par un test (OCDE 301b et ASTM D-5864).

L’arnaque des entreprises pétrolières ou chimiques provient du manque d’informations pour les acheteurs. Les consommateurs sont mal outillés pour se prémunir contre les mensonges verts. Ils sont donc vulnérables à tous les racontars de l’industrie.

Il est primordial de faire la différence entre biodégradable et biosourcé afin de bien connaître les produits que l’on achète. Que ce soit dans une pelle mécanique, un tracteur, un chariot élévateur, une tondeuse à gazon commerciale, un ascenseur etc., les huiles hydrauliques sont un peu partout autour de nous. Souvent, lorsqu’une fuite survient d’un système hydraulique, c’est la Terre qui en écope. Il est donc très important de connaître la vraie nature des produits hydrauliques qui nous entourent afin d’éviter de polluer et de devoir débourser pour la décontamination, car, disons-le franchement, en plus du bris sur la machinerie qu’il faudra réparer, de la perte de temps que tout cela engendra,  il faudra également payer pour le traitement de décontamination suite à la fuite. À moins, que l’huile hydraulique biodégradable utilisée soit aussi biosourcée.

Comment reconnaître une huile hydraulique biodégradable ET biosourcé?

Il faut, tout d’abord, savoir reconnaître les bonnes certifications. Un produit certifié par un organisme externe de l’entreprise démontre la transparence et la véracité des faits. Une analyse de C-14[3] est un bon moyen de savoir ce que contient réellement le produit.



Comme on le constate dans les données ci-dessus, certains produits ne contiennent que très peu de matière biosourcée comparativement au carbone fossile (matière minérale). Il est donc facile de conclure, lesquels d’entre eux ne sont pas d’authentiques huiles hydrauliques bio. Également, une analyse de cycle de vie[4] serait un bon moyen de connaître le véritable impact du produit sur notre environnement.

Selon un règlement du gouvernement du Québec[5], toutes huiles hydrauliques contenant plus de 3 % d’huile minérale ou synthétique sont considérées comme une matière dangereuse. Ce règlement est en vigueur depuis 1997 et a été modifié en 2004. Ironiquement, le MDDEFP (ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs) possède, depuis l’automne 2012, une directive qui demande aux requérants de certificats d’autorisation de s’engager à utiliser des fluides hydrauliques biodégradables lors de travaux dans ou à proximité des milieux hydriques et humides. De plus, ces fluides hydrauliques biodégradables doivent se conformer aux normes de deux certifications européennes et/ou d’une certification australienne et/ou d’une certification canadienne et/ou à des preuves acceptables afin de s’assurer qu’ils sont moins toxiques que les fluides hydrauliques traditionnels. Ces certifications, en plus d’être désuètes, n’exigent pas d’analyse de cycle de vie, ni d’analyse de C-14 pour le contenu biosourcé. Cela laisse donc le champ libre aux huiles hydrauliques minérales ou synthétiques dites « bio ».

Êtes-vous confondu?

Nous aussi. Il y a donc une directive qui laisse passer des huiles hydrauliques polluantes et un règlement sur les matières dangereuses qui n’est pas appliqué.

Nous pouvons donc conclure qu’il est possible d’acheter une huile hydraulique minérale ou synthétique dite « bio », mais qui est considérée comme une matière dangereuse.

Confus?

Le Québec a un besoin pressant de changements dans les habitudes d’achat et d’une actualisation de la réglementation. Il faut apprendre et appliquer le développement durable afin de sauver notre environnement, notre temps et notre argent!


2 commentaires:

  1. Avoir accès à une huile lubrifiante biosourcée, au Québec, au Canada quelle chance nous avons de s’approvisionner chez-nous ! Ce serait effectivement malheureux de se faire tromper alors que l’on a au fond de nous une volonté de changer notre façon de faire en matière d’ouvrages d’art tout en respectant l’environnement n’est-ce pas? Ne serait-ce que pour se donner bonne conscience, c’est positif ! Encore mieux est de comprendre pourquoi nous voulons prendre ce virage.

    Il est vrai qu’un lubrifiant biodégradable n’est pas le synonyme de biologique ou organique comme la plupart d’entre-nous le croyait avant de lire cet article du blog ce lundi 25 mars 2013. Après avoir procédé à une validation des propos dans la littérature scientifique, j’ai pu trouver que la biodégradabilité est, en effet, un critère de sélection lors de l’achat du lubrifiant. Par contre biodégradabilité n’est pas forcément compatible en terme de toxicologie sur le biote terrestre et aquatique des les régions éloignées, des zones de grandes biodiversités, ni près de plans d’eau.

    Selon un étude mené par Lopes, Montagnolli, Domingues and Bidoia (2010) [DOI: 10.1007/s00128-010-9945-8], l'huile lubrifiante d’origine minérale testé en laboratoire, a démontré qu'une faible réduction de la toxicité était perceptible après biodégradation, par conséquent, le lubrifiant est resté très toxique sur la germination de l’Eruca satina, espèce végétale habituellement testée en laboratoire pour sa représentativité. Même après biodégradation de 90 jours, toutes les huiles testées on inhibé plus de 40% de la germination des graines. De plus, pour la concentration létale 50 (LC50) sur le lombric (Eisenia foetida), la toxicité du lubrifiant a été évaluée en lien avec la biodégradation (Lopes, Montagnolli, Domingues and Bidoia, 2010). En ce qui concerne les huiles moteur usées, même après une biodégradation de 90 jours, sa LC50 est resté élevé. Les résultats indiquent que les lubrifiants d’origine minérales (huile de carter) sont très toxiques pour le biote du sol au moment du rejet dans l'environnement (Lopes et al., 2010).

    Il serait donc préférable de vérifier que le lubrifiant acheté soit non-toxique ET par conséquent, biodégradable si l’ont souhaite participer au virage vert , ainsi, au développement durable en respect des générations futures.

    Note: Qui a fait le calcul du coût réel des huiles lubrifiantes minérales en considérant le remboursement des subventions gouvernementales de cette industrie ?
    Coûts réels inclus aussi; l’emprunt des terres d’exploitation, l’eau utilisé durant son extraction et le raffinage –2.5 à 4 barils d’eau pour 1 baril de brute– (EMS Consulting, 2012), des dégâts relier au transport terrestre ou maritime (ex. Oil tanker Exxon Valdez le 24 mars 1989) ou encore en ajoutant les frais publics de décontamination ? Sur les tablettes des magasins y pense-t-on toujours ? Chaque fois qu’on achète des lubrifiants à base minérales alors qu’on sait que des produits Canadien BIO sont disponible, on vote OUI, je suis en faveur de l’extraction du pétrole.

    Simon-Mark LeFrancois, EP, MSc ENV & MGMT (2013)

    RépondreSupprimer
  2. Wow ! Merci Monsieur LeFrançois pour ces précisions. Votre recherche complète parfaitement notre billet. Il faut, en effet, aller bien plus loin dans notre réflexion afin de bien cerner le problème et de comprendre tous les enjeux.

    RépondreSupprimer